[Sous un arbre allongée…]
Je m’adossais quelques instants sous un arbre non loin de la fameuse chapelle édifiée dans la cour de la caserne de l’armée savoyarde. Glissant mon dos petit à petit le long du tronc afin de me retrouver assise sur le tapis d’herbes, j’allongeai mes jambes en les croisant et en soupirant d’aise. Mon calme était revenu après l’angoisse et le stresse provoqués par l’accouchement certainement non tardive de la mariée. Fallait avoir le cœur sacrément accroché pour une petit fille de mon âge.
Surtout que moi, j’avais pas l’habitude de ca. A la campagne, on accouche dans la ferme ou au château. Ca dépendait de la fortune de chacun. Chez les gens comme nous, la mère de la parturiente, les voisines et une à deux matrones assistent à la venue de l’enfant. On rit, on boit et les hommes n’ont pas le droit d’entrer dans la maison. Qu’il pleuve ou qu’il vente, le mari n’entre pas chez lui.
Je me souvenais aussi de la discussion que j’avais eu avec une dame de haut m’expliquant son accouchement dans un château, qu’il fallait y disposer des tapis et des tentures dans la chambre. La mère, plusieurs matrones, des femmes domestiques, des cousines et des tantes viennent assister et soutenir la femme qui accouche. Un médicastre est dans les parages, en cas de complications. Malheureusement, quand on a affaire à lui, c’est généralement pour constater un décès.
Ma mère m’avais raconté son accouchement ainsi que toute la mise en scène faite autour de cet événement. Je souriais en y repensant… Ils avaient délié tous les nœuds de la maison, et même, dans l’étable, ils avaient détachés les vaches pour éviter selon leur croyance que le cordon ombilical ne s’enroule autour du cou du bébé. La matrone reniflait l’haleine de ma mère. Si elle était bonne, l’accouchement sera facile ; mauvaise, il sera difficile. On avait mis ma mère dans un bain rempli de mauve, de camomille, de fenouil, de lin et d’orge pour la détendre et on lui avait fait boire de la poudre de matrice de lièvre mélangée à a du vin. Tout ça parce que l’animal accouche rapidement.
Levant les yeux aux ciels en baillant en y repensant.
Tsss...z'ont oublié de lui sentir la n'haleineà elle, pas pozible za !!!
Comme cela avait été le cas pour moi, puisque ma mère avait eu un accouchement difficile, elle avait du faire le tour de la maison à pied, monter et descendre les escaliers, se mettre du poivre dans les narines afin de provoquer des éternuements puis des contractions.
La religion et la magie sont très présentes dans ces moments là où la vie peut disparaître. Le fœtus dès qu’il bouge, a une âme et est relié au Très Haut. Sa vie est plus importante que celle de sa mère, considérée comme impure. Elle a forniqué, elle est donc souillée et ne retrouvera sa « pureté » qu’après les relevailles. De toute façon, dans l’imaginaire populaire, une femme qui a péché accouche d’un monstre, diable ou animal.
Petit à petit, la fatigue se faisait ressentir et l’engourdissement de mes petits pieds aussi. Je penchais ma tête sur mon côté droit, m’assoupissant quelques instants puis réouvris les yeux. Mais la fatigue, le vin de bourgogne, le tout mélangé m’avait bien assommé… Mais mon ventre gargouillait lui…
Raaa...z’ai faim, ze mangerais un curé avec sa ceinture si za continu !!!